LE TABLEAU

  Elisabeth d'Autriche, par François Clouet en 1571

 Élisabeth d'Autriche (1554-1592)


Élisabeth d'Autriche (1554-1592) est une des reine les mois connues de notre histoire. Elle est la fille de Maximilien II d'Autriche et de Marie d'Autriche (fille de Charles Quint). Arrivée en France à l'âge de 16 ans, elle est mariée à Charles IX, héritier du trône de François Ier en 1570-1572 et sacrée reine de France à Saint Denis. Peu de temps après leur mariage débuta  la Saint Barthélémy (dans la nuit du mois d'août 1572) lors du  mariage d'Henri de Bourbon et Marguerite de Valois.  Sa vie de couple fut triste car son mari entretenait des liaisons avec des maitresses comme Marie Touchet. Ils auront une fille, Marie-Elisabeth en 1572  mais la jeune fille décèdera quelques années après. Profondément affecté par la SaintBarthélémy, la santé de Charles IX se dégrade et aboutira à sa mort en 1574. Après avoir passé 3 ans en France, étant veuve et dans l'ombre de sa bellemère, Élisabeth retourne en Autriche après avoir refusé un mariage avec Philippe II d'Espagne et s'installe dans un couvent à Vienne où elle décédera en 1592 à l'âge de 37 ans. 

Elle vécue très isolée car elle ne parlait pas français, triste car son mari se préoccupait peu d'elle et par la perte de sa fille. Malgré cela, elle a impressionné par sa sagesse et sa douceur ses contemporains. Beaucoup ont écris des éloges à son sujet et notamment des poèmes tels que celui de Jean Antoine de Baïf qui lui dédie dans son Antigone en 1573 : 


 « O Reine, quand le ciel vous mena dans la France,
Comme un astre bénin répandant tout bonheur,
Paix vous accompagnait, et l'ancien honneur
Revint à la vertu par si bonne alliance.
Les Muses, qui gisaient sous l'obscure oubliance,
Se montrèrent au jour, en nouvelle vigueur […] »

 

François Clouet

Peintre d'origine flamande, François Clouet succède à son père à la cour de France. On connait très peu sa vie : il est né probablement vers 1505/1510 à Tours et meurt vers 1572 à Paris. A la mort de son père, Jean Clouet, François devient le peintre  officiel de la cour de  François Ier et de Charles IX, sous la protection de Catherine de Médicis. Il est l'auteur des portraits de cour des rois de France comme celui d'Henri II et Charles IX ainsi que les reines et les princesses. Sa principale activité reste l'exécution de nombreux portraits à l'huile, de dessins et de portraits miniatures à la demande de Catherine de Médicis, sa plus grande admiratrice. Il poursuit le travail de son père avec un art plus raffiné et l'envie de représenter la réalité. On peut voir l'influence flamande notamment dans le portrait d'Henri II ou encore l'influence italienne. Il avait la particularité de ne presque jamais signé ses tableaux d'où la difficulté de lui attribuer les œuvres. C'est grâce à Catherine de Médicis que nous avons, aujourd'hui, accès à ces œuvres car elle les a soigneusement annotés et conservés, au Musée Condé de Chantilly. Il nous reste environ 500 œuvres dont notre portrait d'Élisabeth d'Autriche peint en 1572.

Voici quelques autres œuvres de François Clouet :  







Le tableau



Nous avons sous les yeux, un portrait de femme en buste de ¾ à gauche, sur un fond noir. Elle porte
une robe de brocart d'or et de dentelles, à collerette. Il y a une sorte de pendentif, attaché à sa robe,
qui est orné de pierres précieuses ( perles, rubis...).

Son visage est dégagé et ses cheveux sont relevés dans une sorte de chignon appelé courte fraise.
Sur son front, ses cheveux sont relevés et coiffés en arcelets et tirés vers l'arrière. Ses yeux sont
tournés vers vous et les traits de son visage sont fins (ligne pour les sourcils, bouche fine). De plus,
on voit clairement au premier plan, en bas à gauche, ses deux mains très fines rehaussées de deux
bagues avec des pierres précieuses, posées l'une sur l'autre.

Des perles et des joyaux ornent sa coiffure, son col, son corsage et le reste de sa robe. Vous pouvez
voir la présence de la lumière sur la tableau qui tombe sur son visage, sur la partie droite du corps
ainsi que sur les mains. Cette lumière contraste avec les couleurs pales et ternes de la robes et des
pierres précieuse, peu brillantes par rapport à la luminosité du visage et des mains.



Nous avons à faire ici à un portrait de cour. C'est un pratique qui se développe au XVIe siècle en
France mais aussi en Italie, originaire de Flandres. Il s'inscrit dans une pratique nobiliaire de se faire
représenter pour montrer sa puissance et sa présence. Le portrait doit alors représenter aussi bien la
filiation avec les ancêtres et la famille que la notoriété du personnage. Ce portrait s'inscrit dans le
courant artistique de la Renaissance Française.



Ce petit portrait est volontairement composé dans un format portatif qui peut être déplacé et qui
était destiné à la famille proche. L'utilisation de la pose ¾ est très utilisée notamment chez les
italiens (ex la Joconde) et chez les flamands. Il donne plus de mobilité au visage et permet de capter
des expressions passagères.

La richesse de la robe et des bijoux reflète le statut princier de la jeune femme souligné par la
prestance et l'impassibilité de son visage. Le visage est particulièrement traité par le peintre. Il y a
une volonté de mettre en lumière ce visage en contraste avec le fond noir. En effet, la coloration
chaude de la peau montre que derrière ce masque aux traits impassibles représentant une reine, se
trouve une jeune femme pleine de vie dont le regard, avec un point blanc, trahit son caractère
humain et la conscience de son rôle à jouer. Le petit pincement aux lèvres évoque une certaine
retenue du personnage tout en donnant un caractère féminin et doux au portrait.

=> Il est voulu par le peintre que la jeune femme regarde le spectateur pour ainsi l'interpeller et
l'attirer vers ce portrait en apparence banal mais qui réserve bien des surprises. L'addition du fond
noir et de la direction du regard montre l'envie du peintre de nous faire entrer dans le monde de la
jeune femme tout en montrant sa présence à côté de nous.

La répartition de la lumière n'est pas logique et ne semble pas naturelle, car elle semble portée sur
des parties du corps distincts mais qui ne se trouvent pas du même côté. Par exemple, le visage et la
partie droite du corps sont éclairés ainsi que les mains alors que le côté gauche est dans l'ombre. Il
semblerait que cette disposition soit voulue par Clouet pour mettre en valeur les éléments qui
doivent attirer le regard du spectateur sur le caractère vivant du portrait.

On peut voir que Clouet choisi de mettre les mains en valeur. Il semblerait que la caractéristique des
peintures de Clouet soient les mains. Le peintre a su saisir le ravissant mouvement des deux mains
posées l'une sur l'autre, placées au premier plan de sa composition avec ses deux doigts bagués et
ses ongles d'un rose orangé raffiné. La finesse et la précision des mains renforcent le caractère
féminin et humain de la reine. C'est d'ailleurs un élément récurrent des portraits de Fr. Clouet. En
effet, il se trouve que les mains représentées sur ce tableau ont été rempruntées d'un autre dessin de
Clouet : celui de Marguerite de Valois => les mains sont identiques avec la même position, les
mêmes bagues et la même finesse.

La présence et le traité des mains exprime, encore une fois, la présence de la jeune femme derrière
son masque de reine. On voit d'ailleurs une certaine différence entre le dessin préparatoire de ce
tableau et dans d'autres représentations, où les mains sont absentes, donnant alors un visage austère
au portrait.





Le portrait d'Élisabeth d'Autriche regroupe tous les principales caractéristiques de la portrait de cour
et du peintre François Clouet. En effet, on peut voir le réalisme du modèle qui permet de véhiculer
le prestige du personnage. Il y a aussi la représentation du réalisme intérieur avec une volonté de
montrer l'identité intime de la reine, qui réalise grâce au traitement de la lumière, par les couleurs et
la direction du regard. La virtuosité du costume permet d'assimiler au spectateur la richesse et la
dignité de la reine.
Bien qu'effacée et n'ayant régné que trois ans sur la France, Élisabeth d'Autriche n'a jamais renoncé
à son statut princier. Son calme, sa beauté et sa sagesse ont impressionné ces contemporains, et les
poètes n'ont pas tari d'éloges à son sujet :

« Oh Reine, quand le ciel vous mena dans la France,
Comme un astre bénin répandant tout bonheur,
Paix vous accompagnait, et l'ancien honneur,
Revint à la vertu par si bonne alliance ».
(poème écrit par Jean Antoine de Baïf, poète de la pléiade poétique).



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